Ce programme associe Different Trains, la puissante composition de Steve Reich pour quatuor à cordes et bande magnétique au monumental quatuor à cordes n^o 14 en ut dièse mineur, op. 131 de Beethoven.

L’œuvre de Steve Reich nous projette dans la modernité. En trois temps continus (America – Before the War ; Europe – During the War et After the War), le compositeur fait entrer en collision les trains américains de son enfance avec les trains de la déportation en Europe et incorpore des voix de survivantes et survivants de la Shoah aux sons des rails et du double quatuor – celui de la bande-son et l’acoustique. La puissance du rythme du tout nous plonge dans une quasi-transe qui nous apporte la vitalité nécessaire pour aller de l’avant.

Dans ce contexte, l’humanisme immense de Beethoven nous apparaît comme une transcendance indispensable. Le quatuor nous entraîne dans une véritable traversée musicale, et nous sommes guidés, tout au long de cette grande architecture, par un motto de quatre notes qui parcourt l’œuvre comme un questionnement existentiel. Au commencement de cette grande traversée, le premier mouvement s’ouvre avec un chant de deuil qui résonne comme un ricercare de la Renaissance. Beethoven inclut également dans cet opus 131 plusieurs références à sa Missa solemnis, et il y a dans cette musique-là une dimension de prière qui s’élève bien au-delà des mots. Entremêlant ombre et lumière, doute et courage, le quatuor nous emporte ensuite jusqu’à la danse du dernier mouvement, d’une pugnacité rédemptrice et qui, sans jamais convoquer ni l’héroïsme ni le triomphe, nous permet d’arriver à une forme de liberté.

Ce projet invite à une grande réflexion sur le temps qui passe, et sur nos liens avec notre héritage et notre présent. En cette année 2025 qui marque les 80 ans de la libération des camps de concentration, il nous semblait important de faire entendre ces voix humaines et musicales. 

Violon : Anna Göckel, Brandon Garbot

Alto : Noémie Bialobroda

Violoncelle : Daniel Mitnitsky